Les conseils de Médard Bourgault : bois, sculpture et avenir de l’art selon son journal
Le Journal de Médard Bourgault est une source unique pour comprendre sa pensée, sa technique et sa vision de la sculpture au Québec. On y trouve ses conseils aux jeunes artistes, ses préférences pour les bois du pays, sa philosophie du beau et sa réflexion sur l’avenir de la sculpture traditionnelle. Ce texte rassemble ces idées de façon fidèle, en s’appuyant uniquement sur des passages réels de son journal.
1. Les bois du Québec selon Médard Bourgault
Médard s’oppose directement à l’idée que les bois du Québec seraient de mauvaise qualité pour la sculpture. Il rapporte qu’un homme lui affirmait que le froid rendait le bois impropre, causant des gerçures et des engelures. Sa réponse est nette :
« Nos bois peuvent être employés en sculpture, pourvu que l’on sache choisir. »
Pour lui, les essences locales égalent les plus réputées :
« Ils se prêtent aussi bien à la sculpture que les exotiques des chauds pays, tels noyer noir, acajou et autre. »
Le merisier rouge : son bois préféré
Médard place une essence au-dessus de toutes les autres :
« Notre merisier rouge pour moi est de beaucoup préférable à l’acajou des Philippines. »
Le merisier rouge est pour lui :
- solide
- stable
- noble
- parfaitement adapté aux visages et aux œuvres fines
Pourquoi nos bois sont sous-estimés ?
Médard identifie clairement la cause :
« Si nos bois ne sont pas beaux, c’est parce qu’ils sont de chez nous. »
Il ne critique pas le matériau : il critique le préjugé culturel.
Les bois qu’il déconseille
Il dénonce l’usage massif de sapins importés, notamment le Douglas, qu’il juge trop ordinaire pour la sculpture artistique.
2. Comment sculpter selon Médard : beauté, respect et précision
À plusieurs moments de son journal, Médard insiste sur la responsabilité du sculpteur. Il critique “les laides figures” de certains artistes modernes, surtout quand il s’agit de sujets religieux :
« Je conseillerais à tous nos artistes de ne pas s’inspirer, de grâce, à toutes ces laides figures qui sont d’art moderne. »
Son principe central : ne jamais sacrifier la beauté
À propos du Christ, il écrit :
« Nous devons nous efforcer de faire de notre œuvre ce qu’il y a de plus beau. »
Les traces de ciseaux : oui, mais avec finesse
Il permet une certaine rusticité, mais pas au détriment de l’expression :
« Tout en laissant paraître la sculpture dans toute sa sévérité, que l’on puisse donner de fort beaux traits à nos figures. »
Contre les sculptures “taillées au carré”
Il dit clairement :
« Point nécessaire de tailler tout au carré pour que ça paraisse sculpté. […] À mon idée ils sont dans l’erreur. »
Pour lui :
- la sculpture doit rester lisible
- la dignité du visage est essentielle
- l’expression prime sur l’effet décoratif
3. Les conseils de Médard aux jeunes artistes
Lorsqu’il écrit :
« Je conseillerais à tous nos artistes… »
il formule en réalité une pédagogie complète.
Voici ses quatre grands conseils :
1. Ne pas imiter les figures laides
Il refuse toute exagération qui dénature le sacré.
2. Rechercher la beauté
Pour Médard, la beauté n’est jamais naïve : c’est un devoir.
3. Étudier la nature et la figure humaine
Il observe longuement :
- épaules
- regard
- muscles
- posture
- dignité
4. Être persévérant
Il associe la sculpture au travail acharné :
« La persévérance est la mère des grands bâtisseurs de pays. »
4. L’avenir de la sculpture selon Médard Bourgault
Médard exprime ce qu’il souhaiterait pour le Québec.
A. Le retour du beau dans les paroisses
Il déplore que plusieurs églises aient perdu leurs statues significatives :
« Pourquoi pas ce saint patron dans nos églises de chaque paroisse ? »
B. Redonner une place aux artistes
Pour lui, les sculpteurs doivent retrouver un rôle dans la vie spirituelle et culturelle du Québec.
C. Encourager les jeunes
Dans son texte sur Le Bâtisseur, il écrit :
« Ce sont les jeunes qui doivent bâtir. Pas les vieux. […] Jeunes, bâtissez, soyez persévérants. »
D. Développer une sculpture locale
Il rejette la dépendance aux matériaux importés : la sculpture québécoise doit vivre avec les ressources du Québec.
5. Sa philosophie : beauté, vérité, dignité
Médard revient constamment à ces trois valeurs :
La beauté
Il a appris tôt à distinguer le beau du laid :
« J’appris à différencier le beau du laid. »
La vérité
Les visages doivent exprimer la vérité du sujet, pas un style à la mode.
La dignité
Chaque figure sacrée doit être représentée avec respect.
Pour lui, sculpter est :
- un acte spirituel
- un acte de transmission
- un travail de discipline
- un engagement envers le beau
Conclusion : la leçon de Médard pour les sculpteurs d’aujourd’hui
À travers son journal, Médard Bourgault lègue :
- l’amour des bois du Québec
- la recherche de la beauté
- la fidélité aux modèles nobles
- le respect du sacré
- l’importance de la persévérance
- le rôle des jeunes artistes dans l’avenir de la sculpture
Sa pensée reste actuelle : faire des œuvres belles, dignes, enracinées dans le pays.