L’éducation artistique selon Médard Bourgault : principes, beauté et transmission (analyse du Journal)
L’éducation artistique occupe une place centrale dans le Journal de Médard Bourgault. À travers ses réflexions sur la sculpture, la beauté et la jeunesse, il propose une véritable pédagogie : simple, exigeante, enracinée dans le Québec, et profondément tournée vers la transmission.
Ce texte rassemble — avec fidélité — les leçons qu’il adresse aux artistes, aux jeunes sculpteurs et à ceux qui veulent comprendre sa vision de l’art.
1. Former l’œil à distinguer le beau du laid
Médard explique qu’il a appris très tôt à reconnaître la beauté dans les formes :
« J’appris à différencier le beau du laid. »
Pour lui, l’éducation artistique commence avant la technique. Elle commence par un regard : un apprentissage du vrai, du noble, du sensible. Un sculpteur bien formé n’imite pas ce qui choque, ne suit pas les modes, ne se perd pas dans l’exagération : il cherche la beauté authentique.
Éduquer l’œil = éduquer la sensibilité
Pour Médard, le regard n’est pas seulement esthétique : c’est un jugement moral, un rapport au monde, un respect du sujet.
2. Rejeter les “figures laides” : un appel à la responsabilité
Médard critique certains artistes modernes qui déforment le sujet, surtout lorsqu’il est sacré :
« Ne pas s’inspirer, de grâce, à toutes ces laides figures qui sont d’art moderne. »
Ce n’est pas un rejet total du modernisme — il admire l’artiste Henri Charlier — mais une critique de ce qui dénature le visage humain et le prive de dignité.
L’éducation artistique, pour lui, doit préserver :
- clarté des formes
- respect du sujet
- expression lisible
- beauté intérieure
L’élève doit apprendre à ne pas confondre originalité et laideur.
3. Un apprentissage fondé sur la beauté et la vérité
Médard répète que la beauté est un devoir pour l’artiste. À propos du Christ, il écrit :
« Nous devons nous efforcer de faire de notre œuvre ce qu’il y a de plus beau. »
C’est un principe fondamental de son enseignement :
Faire beau = faire vrai
La beauté n’est pas un embellissement. Elle révèle la vérité du sujet, sa noblesse, son intériorité.
Pour lui, un jeune sculpteur doit apprendre :
- l’observation attentive
- la finesse du trait
- la retenue
- l’équilibre des proportions
4. Étudier la figure humaine : une école de rigueur
Médard décrit comment il observe :
- posture
- tension des muscles
- inclinaison de la tête
- expression du regard
- présence intérieure
Il ne parle pas de dessin académique, mais d’un regard patient, d’une étude vivante du corps et du caractère.
Regarder avant de sculpter
C’est une règle implicite dans tout son journal : l’artiste doit d’abord comprendre avant de tailler.
5. Le rôle des matériaux dans l’éducation du sculpteur
Pour Médard, un bon sculpteur doit connaître les bois du pays. Il défend les essences québécoises contre les préjugés :
« Nos bois peuvent être employés en sculpture, pourvu que l’on sache choisir. »
Les bois locaux comme outil pédagogique
Médard recommande particulièrement :
- le merisier rouge (son favori)
- le chêne en bon terrain
- le noyer noir
- l’acajou local
Il rejette le sapin de Douglas, qu’il juge inadapte pour l’éducation de la main et du regard.
Pour lui, apprendre la sculpture, c’est aussi apprendre le pays, la nature, la matière vivante.
6. La persévérance : vertu essentielle de l’artiste
Médard écrit :
« La persévérance est la mère des grands bâtisseurs de pays. »
Cette phrase résume sa conception de l’éducation artistique.
Un artiste ne progresse pas par don, mais par discipline.
Apprendre à sculpter, selon Médard, demande :
- répétition
- endurance
- patience
- humilité
- engagement quotidien
Ce n’est pas l’imitation qui forme l’artiste, mais le travail.
7. Un rôle pour la jeunesse : bâtir l’avenir de la sculpture
Dans ses passages sur Le Bâtisseur, Médard s’adresse directement aux jeunes :
« Ce sont les jeunes qui doivent bâtir. Pas les vieux. […] Jeunes, bâtissez, soyez persévérants. »
L’éducation artistique n’est pas pour lui une accumulation de savoir-faire : c’est une responsabilité culturelle.
Il croit profondément que :
- l’avenir de la sculpture doit rester au Québec
- les jeunes doivent s’approprier les matériaux d’ici
- la beauté doit guider la création
- la transmission doit être continue
Conclusion : l’héritage pédagogique de Médard Bourgault
Le journal de Médard Bourgault propose une éducation artistique enracinée, exigeante et lumineuse.
Elle repose sur :
- la formation du regard
- le rejet de la laideur gratuite
- l’étude de la figure humaine
- la maîtrise des bois du Québec
- la recherche du beau
- la persévérance
- la transmission aux jeunes
Une philosophie simple, rigoureuse, profondément québécoise — et encore valable aujourd’hui pour tous ceux qui veulent sculpter, créer et bâtir.
Jack Raphael