La vente du domaine Médard Bourgault : pourquoi un avenant secret peut poser problème
Note : Ce texte présente une analyse générale des enjeux juridiques liés aux ventes immobilières et aux biens patrimoniaux au Québec. Il ne constitue pas une accusation contre une personne ou une organisation, mais un exposé informatif basé sur les lois applicables.
Qu’est-ce qu’un avenant non notarié ?
Un avenant est un addendum ou une modification apportée à un contrat déjà signé. Lorsqu’il est non notarié, il est conclu sous seing privé plutôt que par acte authentique notarié. On parle alors d’une contre-lettre ou de simulation, lorsqu’une entente secrète exprime une volonté différente de celle inscrite dans l’acte officiel¹.
Entre vendeur et acheteur, la contre-lettre prime sur le contrat apparent².
Un avenant non notarié peut servir, par exemple, à modifier le prix réel de vente ou les délais de paiement³. Important : la simulation est permise (art. 1451 CCQ), mais pas si elle sert à frauder ou contourner l’ordre public⁴⁵.
Si l’avenant secret sert à dissimuler un défaut de paiement important, on entre sur un terrain juridique fragile.
Un avenant non publié au Registre foncier : manque de transparence et insécurité juridique
Au Québec, les transactions immobilières sont officialisées par un acte notarié inscrit au Registre foncier. Seuls les droits publiés sont opposables aux tiers⁶.
Un avenant secret non publié :
- n’a d’effet qu’entre les parties
- est invisible pour les tiers
- ne peut pas être imposé à d’autres personnes
En cas de conflit, c’est le contrat apparent (celui publié) qui l’emporte⁷⁸.
S’il introduit une condition importante (ex. clause résolutoire), elle aurait dû être publiée⁹. Sans publication, elle est inopposable aux tiers.
Résultat : insécurité juridique. L’entente réelle est dans l’ombre, la protection légale est affaiblie.
Quels risques pour le vendeur si l’avenant dissimule un défaut de paiement ?
1. Recours limités en cas de non-paiement
Sans hypothèque légale ni clause résolutoire publiée, le vendeur doit poursuivre l’acheteur en simple contrat privé. Il ne dispose pas d’un titre exécutoire notarié¹⁰. Et si l’acheteur conteste en alléguant fraude : → le tribunal peut ne retenir que l’acte notarié.
2. Perte de protections sur l’immeuble
Sans sûreté publiée :
- une banque ayant accordé une hypothèque passe avant le vendeur
- un acheteur subséquent n’est pas lié par l’avenant secret¹¹
3. Risque d’insolvabilité
Le vendeur devient créancier ordinaire. En faillite, il risque de ne jamais récupérer le solde impayé.
4. Risques fiscaux et légaux
Un prix réel différent du prix déclaré peut être considéré comme une fausse déclaration fiscale. La loi exige de divulguer la contre-lettre aux autorités¹². Pour un site patrimonial, cela peut être perçu comme une manœuvre trompeuse. → Le contrat secret peut être invalidé¹³.
Immeuble patrimonial classé : un cas encore plus sensible
Le domaine Médard-Bourgault est un site patrimonial classé. Cela implique des règles particulières.
Droit de préemption du ministère de la Culture
Avant une vente, le ministre doit être avisé 60 jours à l’avance, avec le prix réel et l’acheteur pressenti¹⁴¹⁵.
Le ministre peut acheter le bien au prix communiqué¹⁶.
Si un avenant secret change le prix réel ou les modalités, la vente :
- n’est plus conforme aux conditions transmises
- peut être vue comme une contournement du droit de préemption¹⁷
Cela peut mener à :
- contestation
- enquête
- annulation éventuelle
- atteinte à la réputation
Obligations d’entretien
Toute modification d’un bien classé exige une autorisation ministérielle¹⁸. Un acheteur en difficulté financière (ce qu’un impayé secret laisse entendre) risque :
- d’être incapable d’entretenir le site
- d’entraîner des interventions forcées du ministère¹⁹
Rôle de la municipalité et de la communauté
Une transaction opaque dans un dossier patrimonial :
- brise la confiance
- complique l’accès aux subventions
- nuit à la planification culturelle locale
Lois applicables : que dit le cadre juridique ?
Code civil du Québec (CCQ)
- art. 1451 : simulation et contre-lettre²⁰
- art. 1452 : tiers de bonne foi privilégiés²¹
- art. 2938+ : publicité des droits²²
- art. 2941 : seul le droit publié est opposable²³
- clauses résolutoires doivent être publiées
Loi sur le patrimoine culturel (LPC)
Articles pertinents :
- art. 54 à 58 : droit de préemption, délai 60 jours²⁴
- art. 57 : la vente doit être au prix communiqué²⁵
- art. 48 : aucune modification sans autorisation²⁶
Registre foncier du Québec
- un avenant privé ne peut être publié tel quel
- doit être transformé en acte notarié
- absence de publication = aucune protection²⁷
Conclusion – Informer sans juger
L’affaire du domaine Médard-Bourgault montre les risques d’un avenant secret :
- risque financier pour le vendeur
- risque juridique majeur
- risque fiscal
- risque patrimonial
- risque pour la communauté
La vente d’un bien patrimonial exige transparence, rigueur, et respect du cadre légal.