Créer dans la continuité de Médard Bourgault : fidélité, pratiques, héritage
Peut-on encore créer « dans l’esprit de Médard Bourgault » sans renier notre époque ? La continuité avec un maître suppose-t-elle une fidélité au figuratif ? Une opposition à l’art contemporain ? Ou bien un engagement plus profond — esthétique, moral, spirituel ?
Ce texte propose une réflexion ouverte, ancrée dans les écrits de Médard Bourgault, son œuvre et les enjeux de la création actuelle.
1. Qu’est-ce que la « continuité artistique » ?
Continuer une œuvre, ce n’est pas la copier. C’est transmettre un regard, une exigence, un rapport au monde. Médard Bourgault n’a jamais demandé à ses élèves de l’imiter. Il transmettait un idéal :
- Beauté,
- Justesse du geste,
- Respect du sujet (souvent sacré),
- Fidélité à l’intention.
Créer dans sa continuité, ce n’est pas figer son style — c’est prolonger son éthique.
2. Le figuratif comme socle, pas comme prison
Médard était figuratif. Il le revendiquait. Il critiquait les formes modernes qui, selon lui, défiguraient le sacré. Il écrivait :
« Je conseillerais à tous nos artistes de ne pas s’inspirer, de grâce, à toutes ces laides figures qui sont d’art moderne. »
Mais cette critique ne visait pas toute modernité. Il admirait Henri Charlier — sculpteur figuratif, mais novateur. La continuité avec Médard n’exclut donc pas la modernité, si elle reste fidèle au vrai, au beau, à l’humain.
👉 Un artiste peut créer dans sa lignée sans sculpter des saints — s’il respecte les valeurs fondamentales : lisibilité, sens, dignité.
3. Pratiques artistiques en continuité
Voici quelques repères concrets pour reconnaître une œuvre dans l’esprit de Bourgault :
- Bois local : Il défendait le merisier rouge, le chêne, le noyer. Rejeter les matériaux importés n’est pas nécessaire, mais valoriser ceux du territoire prolonge sa pensée.
- Sujet enraciné : Il sculptait les bâtisseurs, les pêcheurs, les saints de village. Choisir des sujets liés au peuple ou au territoire reste fidèle à son regard.
- Respect de la figure humaine : Ni abstraction totale, ni caricature. Médard insistait sur la lisibilité du regard, du geste, de l’émotion.
- Spiritualité implicite ou explicite : Même en dehors du religieux, une quête de sens traverse son œuvre.
4. Continuité ≠ imitation
Créer comme Médard ne veut pas dire faire du « Médard ». Ce serait trahir son désir d’authenticité. Il écrivait :
« La persévérance est la mère des grands bâtisseurs de pays. »
Autrement dit : trace ton propre chemin, mais avec rigueur, respect, et sincérité.
👉 Un jeune artiste qui sculpte des figures contemporaines, en bois local, avec une approche figurative expressive, dans un esprit humble et attentif — est dans sa continuité.
5. Pourquoi cette continuité a du sens aujourd’hui
Dans un monde où l’art devient parfois spéculatif, inaccessible ou désincarné, l’approche de Bourgault est un rappel : Créer, c’est transmettre. C’est bâtir. C’est relier.
Sa vision peut encore guider :
- Ceux qui veulent créer un art enraciné mais vivant,
- Ceux qui refusent de choisir entre tradition et expression personnelle,
- Ceux qui cherchent un langage du vrai.
Conclusion : un héritage vivant
Médard Bourgault ne nous lègue pas une école fermée, mais une exigence ouverte. Continuer son œuvre, c’est :
- Créer avec soin et vérité,
- Servir la beauté sans artifice,
- Respecter l’humain dans la matière.
Sa continuité n’est pas une ligne droite : c’est une fidélité en mouvement.