Analyse – La période maritime de Médard Bourgault : une fondation spirituelle et artistique

Analyse de la jeunesse maritime de Médard Bourgault (1913–1918) et de son influence profonde sur sa vision de la sculpture, la foi, la patience et l’expression artistique.


Introduction

La période maritime de Médard Bourgault, souvent mentionnée brièvement dans les biographies, est en réalité un bloc fondateur de sa vie d’artiste. À travers son Journal, on découvre un jeune marin profondément croyant, confronté aux dangers de mer et de guerre, qui forge… sans le savoir… les racines d’une vision artistique unique.

La nouvelle Médard en mer illustre cette atmosphère. Voici l’analyse qui replace ce récit dans le contexte historique, psychologique et spirituel de l’artiste.


1. Médard marin : un jeune homme en formation intérieure

Entre 1913 et 1918, Médard traverse :

Cette période développe chez lui des qualités qui deviendront centrales dans sa sculpture :

Ce ne sont pas des détails : ce sont des compétences artistiques pures.


2. La foi du marin : une prière vivante, pas abstraite

Le Journal de Médard montre clairement que sa foi ne vient pas d’une éducation théorique. Elle vient du danger réel.

Dans une époque où les sous-marins allemands frappaient les navires marchands, il promet :

Cette foi du marin est :

Cette dimension va marquer toute son œuvre religieuse. Quand il sculptera le Christ ou la Vierge, ce ne sera jamais une “icône distante”, mais une présence vivante, proche, protectrice.


3. L’épreuve de la mer : un entraînement pour le bois

La mer lui enseigne trois choses que l’on retrouve dans son style :

① La précision du geste

À bord, un geste mal fait peut coûter la vie. Cette discipline se retrouve dans ses crucifix et ses visages : rien n’est laissé au hasard.

② Le rapport au temps

En mer, le temps n’est pas celui de la ville : il est lent, structuré, cyclique. Cette temporalité se retrouve dans la minutie extrême de son travail.

③ Le face-à-face avec la nature

La mer est un maître silencieux. Cette profondeur se reflète dans son rapport au paysage, à la lumière, et même dans son désir de sculpter pour la “gloire de Dieu” plutôt que pour la renommée.


4. La guerre comme réveil spirituel

Médard n’est pas un “aventurier” romantique. Il est un homme lucide face à la possibilité de mourir.

La guerre lui révèle :

Cette maturité spirituelle explique pourquoi il refusera plus tard les caricatures, les crucifix difformes, les représentations bâclées : pour lui, représenter le Christ est un acte de fidélité à une expérience vécue.

Il sait ce que veut dire prier “pour de vrai”.


5. Retour sur terre : un regard transformé

Quand il revient à Saint-Jean-Port-Joli, il n’est plus le même. Le fleuve lui paraît plus vaste que l’océan. Il est calme. Il voit la beauté avec plus de netteté.

Cette transformation intérieure explique :

L’homme qui sculptera des centaines de personnages, de crucifix et de Vierges n’est pas un artisan ordinaire : c’est un marin revenu du large avec une vision.


6. Influence directe sur sa sculpture religieuse

Les éléments maritimes qui reviennent dans son œuvre :

La posture du Christ

Elle a la même intensité que la posture d’un homme qui résiste à la tempête.

La douceur des Vierges

Elle reflète la paix qu’il cherchait dans la prière lorsque la mer grondait.

Les traits des visages

Ils sont calmes, ancrés, presque contemplatifs. Un regard façonné par les nuits en mer.

La verticalité des corps

Comme des mats dressés contre le vent.

Rien de cela n’est un hasard : le bois est devenu une manière de raconter la mer.


Conclusion : la mer comme atelier intérieur

La jeunesse maritime de Médard Bourgault n’est pas une anecdote biographique. C’est un chapitre fondateur, où se forgent :

La nouvelle Médard en mer illustre ce moment charnière. Cette analyse le remet dans son contexte et montre comment l’aventure du marin devient l’origine silencieuse du sculpteur.